Associé au moulin, il existait, à 150 m environ en aval en bordure immédiate de l’Anzieux, un second moulin appelé « le battou » pour battre le trèfle. Ce battou fonctionnait avec la même eau, provenant du même bief et de la même écluse utilisés par le premier moulin. Ce second moulin a fonctionné pour la dernière fois en 1908. Il y avait, également, tout un réseau de fossés permettant d’irriguer les prés (plus rarement quelques terres) situés en aval, jusqu’à la route de Bellegarde à Saint-Galmier. Un fossé allait même jusqu’à la ferme Pioteyry sur la route de Bellegarde à Cuzieu.

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Du battoir à chanvre au battoir à trèfle
Dans le sauvetage et la remise en valeur du petit patrimoine, figure le battoir à trèfle, appelé en patois, le « battou ». Ce mécanisme rudimentaire a une longue histoire qui mérite qu’on s’y arrête :
A partir du Moyen-âge les hommes employèrent,  pour la confection de leurs habits, des tissus fabriqués à partir de fibres de plantes telle que le chanvre.
Il faut savoir que cette plante textile a joué pendant plusieurs siècles, un rôle important dans l’économie domestique des paysans.

On semait  le chènevis en avril ou mai, dans des terrains meubles et bien fumés. En montagne, les terres alluviales des fonds de vallées lui étaient réservées. Les pieds femelles qui portent les graines en épis à l’aisselle des feuilles étaient coupés fin août.
L’opération suivante consistait à écraser les tiges de chanvre pour faciliter la séparation des fibres d’avec la chènevotte.
Pour cela, les paysans venaient au battoir constitué d’une meule cylindrique tournant sur un bassin de pierre ou meule gisante. Il ne restait plus alors qu’à séparer, à la main, les fibres de la chènevotte, la partie ligneuse de la tige.

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Les fibres réunies, tordues en poupées, formaient la filasse, semblable à une longue queue de cheval. Cette filasse devait alors être peignée sur un métier rudimentaire constitué par une planche munie de grands clous. C’était le travail d’ouvriers spécialisés venus d’Auvergne : les piquaires. En hiver, ils prenaient pension dans une auberge et proposaient leurs services de ferme en ferme.
La filasse était destinée à la fabrication de sacs, de cordelettes ou de ficelles que les paysans tressaient eux-mêmes.
En 1661, J-B COLBERT, surintendant de Louis XIV fit construire à Rochefort la Corderie Royale. Ce bâtiment long de 200m permettait la fabrication de longs cordages de 50 m  destinés aux bateaux à voiles. Au cours de la visite de la Corderie, on apprend qu’une grande quantité de fil de chanvre provenait d’Auvergne et du Forez.
Le chanvre pouvait aussi se vendre brut. Les tiges groupées en fagots trouvaient facilement preneur sur les foires et marchés de la région, particulièrement à Montbrison.
Pour beaucoup de paysans qui vivaient en autosuffisance, la vente des écheveaux de chanvre constituait alors l’unique rentrée d’argent frais, leur permettant l’achat de tissus, de chaussures, de sucre, de sel et d’autres denrées.
Après 1830, où la culture du chanvre couvrait 170 000 hectares, le déclin allait s’amorcer.
vers 1900, la surface de chènevière, terre semée de chènevis, n’atteignait plus que 20 000 hectares en France.
Pour autant, ce ne fut pas la fin des battoirs à chanvre.

Le battoir à trèfle
Jusque là, l’élevage très peu développé était conçu non comme une fin en soi, mais comme un moyen de se procurer quelques litres de lait, un peu de fumier et surtout de disposer d’une force de traction. La production laitière de la vache forézienne, généralement attelée, atteignait à peine, une moyenne de 5 litres par jour, quantité à peine suffisante à la consommation d’une famille à la progéniture souvent fort nombreuse.
Vers 1860, l’introduction de la culture du trèfle, fourrage très apprécié, a suscité, grâce au pouvoir enrichissant du sol en azote de cette plante engrais vert, et à l’accroissement du rendement laitier, un intérêt marqué pour l’élevage bovin. Suivra  entre 1870 et 1900, la création dans les bourgs d’une certaine importance (Saint-Galmier, Montrond-les-Bains, Sury-le-Comtal…) d’un marché hebdomadaire où les paysans pouvaient vendre le surplus de leur production laitière, transformée en beurre et fromage, ainsi que leurs veaux.
Vers la fin juillet, le paysan muni d’un grand peigne en bois qui ressemblait à celui servant à cueillir les myrtilles, coupait les pompons bruns du trèfle mûr. Ramenées à la maison, les fleurs finissaient de sécher au soleil, dans un coin de la cour. Entassées dans un sac, elles étaient transportées au battoir du moulin pour y être égrainées.
Les anciennes meules qui n’avaient pas de rebord, avaient été ceinturées par un coffre en bois d’une cinquantaine de cm de haut.
Pour battre le trèfle, on remplaçait la meule tournante utilisée pour le chanvre par une meule plus légère.
Après la première guerre mondiale, l’arrivée dans les villages de la batteuse à trèfles, appelée communément la mailleuse à trèfles, marquera la fin de l’activité des antiques battoirs.

Fonctionnement du battoir
La petite meule tournante, en granit, est en forme de tronc de cône. Elle était entrainée, en prise directe par un arbre de transmission actionné par un rouet. Ce rouet, en forme de petite roue, d’où son nom, était constitué d’un moyeu équipé de pales, de forme concave, ressemblant à de grandes « cuillères », c’est par ce nom qu’on les désignait.
C’est la force vive du courant qui faisait tourner le rouet horizontalement. Du bassin de retenue situé au dessus, l’eau échappée de la vanne s’engageait dans une conduite étroite en planches ou creusée dans un tronc, pour venir frapper les cuillères, en contrebas, sous la voûte. Etant en prise directe, le rouet entrainait la petite meule, sa puissance ne dépassait pas un demi-cheval.
Jadis la plupart des meuniers disposait, à côté de leur installation principale, d’un battoir à chanvre. On retrouve encore des restes à proximité d’anciens moulins à farine. Ici une grosse meule gisante en grès, là, une petite meule en tronc de cône, ailleurs une petite construction, à cheval sur le bief ou sur le canal de dérivation. C’est pour des raisons de salubrité vis-à-vis de la farine que  ces battoirs étaient implantés à l’écart du moulin, en aval de celui-ci, nécessitant une moindre force hydraulique.

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Pour en savoir plus :
Ø Le chemin des moulins oubliés par Tony et Janine KOCHER Editions 1997 Mémoires Foréziennes
Ø Dictionnaire du monde rural aux éditions Fayard
Contributeurs :
Jean VERCHERAND,  Tony et Janine KOCHER